18.05.2024 | Tribulations au Japon
Retour sur l'époque où j'ai découvert que j'étais peureux, sur ma nouvelle exposition autour du Japon et sur la bande-son qui s'en vient.
Un lundi de mai, il y a presque dix ans. Je pars pour la première fois au Japon. Je ne suis ni anxieux ni excité. Je m’en vais loin, c’est tout. Après trois décennies à tout prévoir, à organiser ma vie précisément et machinalement, je m’envole cette fois-ci sans préparer quoique ce soit. Je ne le sais pas encore, mais c’est probable que je parte avant tout pour me tester ; voir qui je suis ailleurs, étudier comment je me comporte sans repère autour.
Mal. Je vais plutôt mal dès le deuxième jour. Me voilà dans ce pays inédit comme à la porte d’un parc d’attractions. Tous semblent apprécier leur visite pendant que je reste seul, devant le grillage. Je n’ai plus envie d’être là. Je n’ai pas envie d’être seul. Je me pensais timide, je me découvre peureux. Je ne sais pas aller vers les autres.
Chaque jour, inlassablement, j’ère dans les rues d’Osaka en quête de mon courage que je ne trouve nulle part. Je me découvre tellement peureux que chaque jour, inlassablement, je n’ose ni demander ma route ni ce qui est au menu de tel ou tel restaurant. Je termine chaque jour, inlassablement, dans un 7Eleven — le Franprix local — pour acheter des KitKat Balls (la seule “nourriture” dont je reconnais l’emballage dans les rayons). Le voilà l’unique moyen que j’ai trouvé pour apaiser les cris de mon ventre jusqu’au soir venu. Je peux alors rejoindre mon hôte, Amaury, pour quelques heures lorsqu’il sort du bureau. C’est lui ma bouée de sauvetage indispensable en ces territoires inconnus.
Un vendredi de mai, il y a presque dix ans. Je ne le sais pas encore, mais en prenant cette photo le long d’un cours d’eau à Kyoto, je marque d’un repère un nouveau début. Un nouveau premier jour de reste de vie. En captant cet homme assoupi paisiblement — selon moi il faut forcément l’être pour retirer ses chaussures —, c’est sans doute d’un moi futur que je rêve. Sur le moment, peu importe : armé d’un iPod touch limité, je viens de basculer photographe pour le reste de mon séjour et pour les années à venir. Désormais, j’ai un but quotidien, un cadre qui me permet de ne plus m’engoncer dans une attente aussi désagréable que rassurante. Et grâce à quelques amis bien présents, même à l’autre bout du globe — quelle belle invention que le mail et les sms —, j’arpenterai désormais, petit à petit, les rues nipponnes avec la tête droite et le sourire sincère. Merci Mathieu. Merci Guilhem. Merci Vincent. Merci Korin.
Pour les trois semaines à venir, je deviendrai intime avec ces noms qui sonnaient bizarre. Kanazawa, Miyajima, Naoshima, Nara. Trois semaines pour emplir un réservoir à souvenirs qui me fait avancer depuis une décennie sans être à vide. Trois semaines pour commencer à me risquer sur le chemin qui me fera approcher l’homme assoupi…
Certes, je ne suis pas encore capable de retirer mes chaussures pour m’endormir sur un banc public, mais le Japon, de mille façons, m’a déjà rendu plus heureux.
Pour écouter l’exacte suite de cette histoire, rendez-vous sur les plateformes…
Replonger dans mes souvenirs nippons n’a rien d’anodin. Depuis dix-huit mois, je prépare ma quatrième exposition intitulée “Les tribulations d’un français au Japon”.
Début mars, je l’ai présentée en avant-première dans l’Ain, aux Confrontations Photo de Gex. Sur trois jours intenses — dont le vendredi où nous avons reçu plus de 1800 enfants — j’ai pu observer les nombreux visiteurs déambuler à leur tour dans mes souvenirs et autour de l’installation des mille grues en origami façonnée par Laurent Grou.
Et depuis deux mois, c’est aux Bains-Douches de Lignières, dans le Cher, que cette exposition est visible, dans sa version complète, incluant aussi la bande-son et les savoureux textes de Mathieu Urbach sous forme d’Omikuji. Mes tribulations seront visibles dans le Berry jusqu’à la fin du mois de juin et en ligne sans date limite de consommation dans un reportage de BIP TV. C’est en cliquant par ici que vous pourrez découvrir les images captées au sein de l’exposition et la présentation de Julie Rangdé, la directrice de la salle.
[Les Bains Douches, Place Anne Sylvestre, 18160 Lignières, sont ouverts du lundi au vendredi de 9h à 18h30, moins la pause déjeuner de 13h à 14h. L’exposition est visible également les soirs de spectacles à partir de 20h]
Qui dit voyage ou exposition, dit systématiquement bande-son.
Depuis quelques semaines, deux nouveaux singles sont disponibles sur vos plateformes habituelles de streaming. Les tribulations d’un peureux au Japon est une chanson originale, co-composée avec l’extraordinaire Marielle de Rocca Serra et le non moins génial Maurice Ravel. C’est l’exacte suite du récit en début de cette infolettre et j’ai eu la chance que TinaKrys, passionnée du Japon, accepte d’y poser quelques mots pour un dépaysement immédiat.
Pays industriels est une chanson d’Alain Souchon. Et c’est Souchon qui m’a sauvé la vie au Japon. Je vous raconterai ça plus en détail dans un prochain texte ou de vive voix pour celles et ceux qui viendront à l’exposition. Je suis curieux de vos retours sur cette version plus acoustique que l’originale…
Enfin, l’album Les tribulations d'un français au Japon 二 est en précommande sur bandcamp exclusivement. Vous pourrez le propulser dans vos oreilles dès le vendredi 24 mai, et il ne sortira sur les autres plateformes qu’à l’été. C’est important les circuits courts. Une écoute exclusive est prévue mercredi soir à 20h, et vous pouvez vous y inscrire sur la page du disque.
C’est l’heure de se souhaiter un bon week-end en se disant qu’on se retrouve plus tard, pour de nouvelles histoires et de nouvelles nouvelles.
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C’est tout pour cette nouvelle infolettre. Prochaine édition, prochaine émission. Prenez-soin de vous !
Samuel.